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PROJET DE LOI DUFLOT II ET LES INTERMEDIAIRES DE L'IMMOBILIER
Le 29 janvier 2014
Loyers et Copropriété n° 1, Janvier 2014, alerte 1
Projet de loi Duflot II et les intermédiaires
Projet de loi Duflot II et les intermédiaires
de l'immobilier
Focus par Sylvain GRATALOUP
maître de conférences HDR à la faculté de droit de l'université Jean Moulin
Lyon 3
directeur de l'Institut de Droit patrimonial et immobilier
avocat au Barreau de Lyon
Sommaire
Projet de loi n° 1179 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové
L'adoption d'un texte de loi, au-delà des nouvelles dispositions dont
L'adoption d'un texte de loi, au-delà des nouvelles dispositions dont
l'ambition est de résoudre une pathologie sociale conjoncturelle, cache
parfois un bouleversement structurel pour ceux qui ont la charge de le
mettre en oeuvre. Le projet de loi n° 1179 pour l'accès au logement et un
urbanisme rénové, présenté au conseil des ministres le 26 juin 2013, voté en
première lecture par l'Assemblée nationale, le 17 septembre, et par le Sénat,
le 26 octobre 2013, n'échappe pas à ce constat. Prolongeant toute une volée
de textes dont l'ambition était de résoudre le problème du logement (V.
notamment L. n° 2013-61, 18 janv. 2013 relative à la mobilisation du foncier
public en faveur du logement et au renforcement des obligations de
production de logement social. – D. n° 2012-894, 20 juill. 2012 reconduit par
le D. n° 2013-689 du 30 juillet 2013 sur le blocage des loyers), le projet de
loi ALUR, au volume d'articles et d'amendements impressionnant, irradie tout
le droit de la copropriété, de la gestion locative, du logement social et de
l'urbanisme. S'il est évident que le texte en discussion poursuit, notamment,
comme objectifs, de réguler le marché du locatif et de faciliter l'organisation
de la copropriété, il n'empêche que, en arrière fond, volontairement ou non,
c'est une autre dimension que le projet de loi propose : lutter contre le passé
et construire un avenir solide reposant sur un nouveau cadre juridique,
impliquant inévitablement une adaptation des acteurs de l'immobilier. C'est
l'esquisse d'une nouvelle profession, réglementée, que le projet de loi ALUR
fait émerger imposant à leurs membres, agissant dans l'intérêt des usagers,
de respecter des règles déontologiques strictes et de se soumettre au
contrôle de nouvelles instances professionnelles. La transparence et la
discipline de ces professions devraient contribuer « à renforcer la régulation
de ce secteur d'activités et à restaurer, dans un contexte de crise
économique et d'augmentation continue de la dépense de logement, la
confiance du public à l'égard des professionnels de l'immobilier ».
En premier lieu, la transparence semble bien être le maître mot du projet de
loi. Si elle concerne évidemment les biens, objet des transactions ou de
gestion (information sur la situation juridique, financière et technique du
bien), l'action du professionnel va désormais s'inscrire dans un cadre
juridique auquel il lui sera difficile de s'échapper. Le syndic de copropriété,
dont on connaît les difficultés de sa mission, fait l'objet d'une attention toute
particulière de la part du législateur qui cherche à réguler l'activité par
l'obligation de respecter un contrat de syndic défini par décret en Conseil
d'État, mais dont le contenu et le degré de souplesse restent inconnus. En
outre, la loi s'intéresse, enfin, à la notion de syndic provisoire de l'article 17
de la loi de 1965 et impose une mise en concurrence préalable de plusieurs
candidats, rompant ainsi avec la pratique selon laquelle le syndic, choisi par
le constructeur pour la première assemblée, poursuivait sa mission jusqu'à
ce qu'il soit révoqué par les copropriétaires. Cette transparence est
également financière. Le projet de loi impose aux copropriétaires, aux
syndics surtout, non seulement l'ouverture d'un compte séparé sans
possibilité de voter une dispense par l'assemblée générale, à la place du
compte bancaire unique des copropriétés sécurisés par les garants, mais
aussi l'ouverture d'un compte destiné à recevoir les cotisations d'un nouveau
fond de prévoyance pour les immeubles à destination d'habitation de
cinquante lots ou plus. À supposer que l'établissement bancaire proposé par
le syndic ne soit pas retenu par les copropriétaires, il y aura autant
d'établissements bancaires que de comptes séparés, ce qui ne manquera pas
d'alourdir considérablement le travail des syndics, sans que pour autant une
rémunération supplémentaire ne soit due, surtout si la liste des diligences
n'entrant pas dans son forfait de gestion courante ne mentionne pas celle
liée à la gestion du compte séparé (V. également, J.-M. Roux, Projet de loi
Duflot II : les perspectives d'évolutions du droit de la copropriété : Loyers et
copr. 2013, alerte 83). La transparence s'étend également aux agents
immobiliers, y compris les agents commerciaux qui ont l'obligation de
souscrire une assurance de responsabilité civile professionnelle. Elle passe
aussi par la réduction et l'encadrement des frais d'agence, en allégeant les
frais liés à la mise en location d'un logement mis à la charge exclusive du
bailleur, à l'exception de la prise en charge des prestations de réalisation de
l'état des lieux et de rédaction du bail qui est partagée dans la limite d'un
plafond fixé réglementairement. Cette forme de tarification, qui figure
obligatoirement sur les supports publicitaires, mais que l'on connaît par
ailleurs chez les notaires, inscrit les professionnels de l'immobilier dans le
cadre d'une activité qui poursuit une mission de service public et assure un
gage d'égalité entre les citoyens. Cependant, lorsque l'on conjugue cette
transparence avec une discipline professionnelle, la régulation des
intermédiaires de l'immobilier se rapproche considérablement de celle, des
notaires et des avocats.
Le deuxième axe du projet de loi repose sur la modernisation de plusieurs
points de la loi Hoguet qui sert de cadre juridique à la réglementation des
professions immobilières et à laquelle les professionnels de l'immobilier ne se
sont pas opposés. C'est tout un ensemble de dispositions qui bouleversent en
profondeur les professions liées à l'immobilier. Tout d'abord, l'exercice des
fonctions de syndic de copropriété dans le cadre de la loi n° 65-557 du
10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis apparaît
clairement et spécialement dans la liste des activités réglementées. En effet,
l'article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 est complété par un alinéa 9°
aux termes duquel les dispositions de cette loi s'appliquent aux personnes
physiques ou morales qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent
leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens
d'autrui et relatives à l'exercice des fonctions de syndic de copropriété.
L'activité de syndic est donc ajoutée, la distinguant de l'activité de gestion
immobilière. C'est une distinction dont on ne mesure pas vraiment l'intérêt
dans la mesure où l'activité de gestion immobilière intégrait autrefois celle de
syndic, distinction qui, par ailleurs, fait surgir la multiplicité des acteurs que
le législateur entend rassembler de manière ambitieuse, autour d'un cadre
législatif commun. Ensuite, il s'agit de former les professionnels, idée qui
n'est évidemment pas à remettre en cause ; toute profession réglementée,
notaires ou avocats, a une obligation de formation continue. C'est pourquoi
le projet de loi ALUR contient des dispositions qui imposent aux personnes
entrant dans le champ d'application de la loi Hoguet des compétences
initiales, à définir ou à redéfinir, et de formation continue (projet, art. 9).
Leur carte professionnelle ne peut être renouvelée si elles ne justifient pas
avoir rempli cette obligation. Un décret détermine la nature et la durée des
activités susceptibles d'être validées au titre de l'obligation de formation
continue, les modalités selon lesquelles elle s'accomplit, celles de son
contrôle et celles de sa justification en cas de renouvellement de la carte
professionnelle. Enfin, et c'est le point le plus notable du projet de loi, pour
renforcer cette discipline, le projet de loi prévoit l'élaboration d'un code de
déontologie applicable à ces professionnels et la création d'instances
disciplinaires, en particulier un conseil national de la transaction et de la
gestion immobilières et des commissions de contrôle des activités de
transaction et de gestion immobilières, chargées de contrôler les activités et
de prononcer des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu'à l'interdiction
définitive d'exercer la profession. Consulté par les pouvoirs publics sur toute
question intéressant les professions des personnes mentionnées au premier
alinéa, ce conseil aura pour mission de veiller au maintien et à la promotion
des principes de moralité, de probité et de compétence nécessaires au bon
accomplissement des opérations mentionnées au même article 1er. Tout
manquement aux lois, aux règlements et aux obligations fixées par ce code
de déontologie mentionné à l'article 13-1 ou toute négligence grave, commis
par une personne mentionnée à l'article 1er dans l'exercice de ses activités,
l'expose à des poursuites disciplinaires, même en cas de cessation des
activités de ces professionnels.
L'idée de soumettre les professionnels de l'immobilier à une éthique
commune est tout à fait intéressante et était réclamée par les organisations
professionnelles qui, depuis plusieurs années, et sans que le législateur
n'intervienne, luttent contre des pratiques, contestables, mais marginales et
appartenant au passé. Pour autant, le foisonnement de ces idées semble mal
maîtrisé car les dispositions contenues dans le projet de loi, dont la plupart
renvoient à des décrets, ne tiennent pas compte de la grande diversité des
intermédiaires de l'immobilier qu'il est difficile de rassembler sous une
éthique commune.