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Comment reprendre mon logement lorsqu'il est déjà loué ?

Le 26 mars 2010

LE CONGE POUR REPRISE

Sylvain GRATALOUP

Maître de Conférences à l’Université Jean Moulin Lyon 3

Directeur de l’Institut de Droit Immobilier et d’Administration de Biens

Avocat au Barreau de LYON

Depuis la loi n° 82-526 du 22 juin 1982 relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs, l’ensemble des textes réformant ou modifiant la législation sur les baux d’habitation traduisent très nettement le choix fait par le législateur d’assurer un soutien croissant du locataire face à son partenaire contractuel, le bailleur. En effet, la protection accordée par le législateur ou la jurisprudence est suffisamment significative pour reconnaître que l’équilibre inscrit dans l’article 1er de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modifications de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 soit rompu. Il en est ainsi dès la formation du bail, notamment en raison des contraintes lourdes imposées au propriétaire en vue d’éclairer au mieux le candidat à la location ou écartant les clauses réputées abusives ; au cours de l’exécution du bail autorisant le locataire à exiger toujours davantage du bailleur, ou encore à la fin du bail limitant les possibilités du bailleur de disposer librement de son bien.

Qu’il s’agisse du congé pour vendre, avec ou sans droit de préemption du locataire ou du congé pour motif légitime ou sérieux, le rapport contractuel entre le bailleur et le locataire est nettement défavorable au premier, le locataire bénéficiant d’un ensemble de règles le protégeant contre toute éviction ou encore le plaçant en position très favorable pour acquérir le logement. On peut donc s’attendre à ce que le congé pour reprise, énoncé à l’article 15-I de la loi du 6 juillet 1989, s’inscrive dans la même logique et que son interprétation vienne, une nouvelle fois, au soutien du locataire tant la législation relative aux baux d’habitation repose sur une dimension sociale très marquée. Et c’est dans cette logique que les dispositions relatives au congé ont été rédigées avec une parfaite conscience du caractère profondément inégalitaire de ces règles.

Pourtant, du bilan de vingt années d’application de la loi du 6 juillet 1989 se dégagent deux constats.

Tout d’abord, il apparaît qu’en réalité, la jurisprudence s’oriente davantage vers la recherche d’un équilibre sans que l’on sache réellement le fondement qui le soutient, oscillant entre le respect du droit de propriété dont on sait qu’il est depuis quelques années malmené, et le droit au logement qui reste le principe fondamental énoncé par l’alinéa 1 de l’article 1er de la loi du 6 juillet 1989.

Ensuite, il est difficile de dégager, après vingt années d’application de l’article 15-I de la loi du 6 juillet 1989, une véritable tendance malgré une jurisprudence assez dense en la matière. En effet, les bailleurs et les locataires, à l’occasion de la mise en œuvre du congé pour reprise, semblent davantage se neutraliser sans que les premiers prennent le pas sur les seconds. Et les juges du fond comme la Cour de cassation se placent en arbitre, freinant le bailleur dans ses ardeurs pour reprendre son logement tout en maintenant le locataire à distance du droit de propriété. Ces mises au point permanentes des juridictions permettent dès lors de dessiner les contours de l’article 15-I de la loi du 6 juillet 1989, qu’il s’agisse des conditions de la reprise (I.), des bénéficiaires de la reprise (II.) et de la procédure de la reprise (III.).

I. Les conditions de la reprise

Bien que l’article 15-I de la loi du 6 juillet 1989 ait été rédigé de manière rigoureuse, il n’en reste pas moins que la jurisprudence a du, maintes fois, intervenir pour préciser davantage les conditions dans lesquelles la reprise pouvait être effectuée.

Le moment de la reprise n’a pas fait l’objet d’une jurisprudence abondante, la lecture de l’article 15-I étant assez limpide. En effet, alors que sous l’empire de la loi du 22 juin 1982, une reprise en cours de bail était permise, la loi du 6 juillet 1989 énonce qu’une telle reprise pour habiter n’est désormais possible qu’à la fin du bail et à la condition, ajoute la jurisprudence, que le bailleur n’ait pas formé, pour la même échéance, une demande d’augmentation de loyer.

En revanche, les motifs de la reprise (A.) et la détermination de l’auteur de la reprise (B.) ont suscité d’importantes interventions des juges.

A. Les motifs de la reprise

1. L’indication des motifs

L’article 15-I de la loi pose une exigence de forme du congé, à savoir qu’il doit « indiquer le motif allégué ». Par conséquent, la seule indication que le bénéficiaire de la reprise entend reprendre le logement pour l’habiter suffit. En revanche, un congé motivé par la volonté des bailleurs de conserver le logement « pour leur usage personnel » est trop imprécis et peut laisser supposer qu’il le serait à titre de résidence secondaire.

En revanche, la loi du 6 juillet 1989 semble plus souple que celle du 22 juin 1982 en ce qu’elle autorise le congé simplement fondé sur la décision de reprendre le logement, sans tenir compte des besoins de son bénéficiaire et dont il n’a pas à justifier, notamment si ce dernier dispose d’autres possibilités de logement ou pourrait organiser sa vie différemment. C’est en ce sens que la Cour de cassation retient la validité du congé aux fins de reprise du logement au profit du fils du propriétaire qui, âgé de 21 ans, et vivant encore chez ses parents, n’avait aucune obligation de demeurer chez eux et dont le souhait de jouir d’un appartement autonome était légitime, ne disposait pas d’une habitation répondant à ses besoins. D’ailleurs, le bénéficiaire de la reprise est en droit de former tierce opposition à l’encontre du jugement qui annule le congé délivré par le bailleur. La même solution a été retenue dans le cas où le congé avait été délivré afin de permettre à la fille de la bailleresse, à la retraite, de se rapprocher d’elle.


2. La nature des motifs

Les motifs généralement invoqués par le bailleur sont deux ordres : des motifs familiaux ou des motifs professionnels.

a. Les motifs familiaux

La rédaction de la loi du 6 juillet 1989 repose sur un principe commun à celui de la loi du 22 juin 1982, à savoir que la reprise pour habiter est autorisée à la seule fin de l’habitation principale du bénéficiaire de la reprise.

Dès lors a été exclue la reprise pour habiter dont l’usage est limité à une occupation occasionnelle comme résidence secondaire et la Cour de cassation impose que les juges du fond recherchent si le logement constitue l’habitation principale de la bénéficiaire de la reprise. A dès lors été considéré comme nul le congé désignant une bénéficiaire qui, ne pouvant rester sans surveillance, résidait alternativement chez ses enfants.

b. Les motifs professionnels

La loi de 1982 limitait la reprise pour habiter à la seule hypothèse de l’habitation principale du bénéficiaire. Cette restriction n’a pas été reprise par la loi du 6 juillet 1989. Dès lors, on peut se demander si la version de 1989 autorise la reprise quelle que soit la destination envisagée, habitation, professionnelle ou autre.

La solution ne semble pas clairement tranchée. La doctrine est pourtant favorable à une interprétation large du texte qui interdit la reprise dès que celle-ci est étrangère à l’habitation principale. Au soutien de cette position, ces auteurs retiennent davantage l’esprit du texte, rédigé dans le prolongement de l’article 9 de la loi Quillot et de la loi Méhaignerie au mépris de sa lettre et de son caractère d‘ordre public, exigeant une interprétation stricte. Selon cette interprétation, la reprise du logement motivée par des considérations purement professionnelle ne pourrait prospérer, seul un congé pour motif sérieux et légitime constituerait le fondement valable mais probablement inefficace.

La Cour de cassation a retenu que la loi du 6 juillet 1989, s’appliquant aux locaux à usage mixte et professionnel et d’habitation, n’exclut pas la possibilité d’une reprise à cette double fin. Dès lors, et selon cette analyse, le congé pour reprise à des fins purement professionnelle devrait être annulée. Or, si l’on s’en tient à la rédaction de l’article 15-I, seule la décision de reprendre le logement, certes pour des bénéficiaires clairement désignés, constitue l’assiette de vérification du juge que l’on étend à son utilisation effective, à l’exclusion de toute considération de destination. En réalité, dans une société où la pénurie de logement et la précarité des locataires prédominent, il semble qu’une interprétation restrictive demeure.


B. L’auteur de la reprise

1. Le bailleur personne morale

L’article 15-I de la loi du 6 juillet 1989 accorde le droit de délivrer un congé pour reprise au bailleur, entendu comme bailleur personne physique mais aussi comme personne morale. Et c’est à propos des bailleurs personne morale que la jurisprudence a du apporter sa contribution.

En principe, une personne morale ne peut pas, par essence, habiter elle-même le logement, objet de la reprise. Elle ne peut que faire habiter le logement, justifiant logiquement qu’elle soit exclue du bénéfice de la reprise pour habiter.

Pour autant, ce principe est assorti d’une exception lorsqu’il s’agit de sociétés civiles familiales. En effet, la reprise pour habiter peut être invoquée lorsque le bailleur est une société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au 4e degré inclus. Dans ce cas, comme tout bailleur personne physique, la société civile peut reprendre le logement loué au profit de l’un de ses associés.

Une question a cependant été posée lorsque les parts de la société civile de famille, bailleresse, se trouve momentanément réunies en une seule main, sans que la société fasse l’objet d’une procédure de dissolution prévue à l’article 1844-5 du Code civil. Dès lors, la société perd par nature son caractère et familial et, en conséquence, son droit de reprendre le logement au bénéfice de l’un de ses associés. Cependant, lorsque les parts sociales d’une société civile familiale sont réunies entre les mains d’un seul associé, l’article 13 de la loi du 6 juillet 1989, permettant à une société constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au 4e degré d’invoquer le bénéfice de l’article 15-I au profit de l’un de ses associés, continue de s’appliquer au profit de cet associé. En effet, tant que la dissolution n’est pas prononcée, l’associé unique se retrouve alors dans la situation d’un bailleur personne physique, lequel bénéficie directement du droit de reprendre le logement pour lui-même. En outre, dans la mesure où les disposition de l’article 1844-5 du Code civil  ne concerne pas les droits du bailleur mais seulement la détention des parts sociales, la réunion des parts sociales entre les mains d’un associé d’une société civile familiale ne doit pas empêcher l’exercice de son droit de reprise du logement.

Néanmoins, la portée de cette exception est limitée puisque une société civile formée entre concubins ou entre partenaire pacsés ne peut prétendre être assimilée à une société civile de famille et bénéficier des disposition de l’article 13 de la loi du 6 juillet 1989. Par ailleurs, ne constitue pas une SCI à caractère familial définie à l’article 13 a) de la loi du 6 juillet 1989, une société civile composée d’un associé unique qui a racheté la totalité de leurs parts aux précédents associés avec lesquels il n’avait aucun lien de famille. Le cas se pose lorsque les parts sociales ont été rachetées aux anciens associés par une personne n’ayant aucun lien de famille avec chacun d’eux, devenant dès lors le seul et unique associé de la SCI. Dans cette hypothèse, le caractère familial de la SCI doit être apprécié au jour de la délivrance du congé.

2. Le cas de l’indivision

L’hypothèse dans laquelle les bailleurs sont en indivision se rencontre souvent et s’est posée dès lors la question de savoir de quelle manière le congé pour reprise devait être délivré.

Depuis la loi n° 2008-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions, « Le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité […] effectuer les actes d’administration relatifs aux biens indivis ». En conséquence, le congé étant qualifié d’acte d’administration et entrant dans la catégorie des actes relatifs à l’exploitation normale des biens indivis, le congé pour reprendre peut être délivré par un ou plusieurs indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis sur l’immeuble loué. Pour autant, et en application de l’article 815 alinéa 6 du Code civil, l’indivisaire auteur du congé devra en informé les autres indivisaires, à défaut ce congé leur serait inopposable.

Par ailleurs, selon l’article 815-3, alinéa 8, le congé peut être valablement délivré par l’un seulement des indivisaires à condition qu’il ait reçu mandat général d’administration ou s’il a pris en main la gestion de l’indivision sans opposition des autres.

S’il y a une convention d’indivision, le congé ne peut être délivré que dans les termes de la convention déterminant les pouvoirs du gérant.

En cas de désaccord des indivisaires, le congé peut être obtenu avec une autorisation de justice obtenue sur le fondement des 815-5 ou 815-6 du Code civil. Et à supposer que le congé ait été délivré par un indivisaire qui n’en n’avait pas le pouvoir, le congé se trouve rétroactivement validé sur l’immeuble loué lui est attribué à l’issue du partage.

3. Le décès de l’auteur

Il peut arriver que le bailleur décède après avoir délivrer un congé pour reprise mais avant que la procédure tendant à le contester ne soit achevée. Dans cette hypothèse, la Cour de cassation considère que le décès d’une partie n’interrompt pas l’instance, dans les cas où l’action est transmissible, que s’il survient ou est notifié avant l’ouverture des débats. Dans ce cas, le décès du nue-propriétaire, survenue postérieurement à l’audience, n’a pas d’incidence sur le cours de l’instance.

II. Les bénéficiaires de la reprise

L’article 15-I de la loi du 6 juillet 1989 limite les possibilités de reprise en énumérant précisément ceux et celles qui en bénéficient et renforce la protection du locataire en exigeant que le congé les désigne.

1. L’indication des bénéficiaires

Si le congé doit indiquer, aux termes de l’article 15-I, les noms et adresse du bénéficiaire de la reprise, à défaut le congé est nul, il ne doit pas nécessairement préciser le lien de parenté existant entre le bailleur et le bénéficiaire.

Selon l’article 15-I, le congé doit indiquer non seulement le motif allégué mais aussi « les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise », à l’exception de toute autre mention comme la reproduction de tout ou partie de la loi dans la notification du congé, ou encore la précision, dans le congé, du lien de parenté existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise. Si cette mention était exigée sous l’empire de la loi du 22 juin 1982, elle n’est plus requise dans le cadre de la loi du 6 juillet 1989. Il n’en demeure pas moins que l’indication dans le congé de ce lien de parenté peut éviter au locataire de s’interroger sur la validité du congé et la survenance ultérieure d’un contentieux, le bailleur étant en définitive tenu de rapporter la preuve que les conditions imposées par la loi sont satisfaites.

2. La détermination des bénéficiaires

a. Les bénéficiaires personnes physiques

La loi du 6 juillet 1989 procède à une énumération exhaustive des bénéficiaires de la reprise. Il s’agit naturellement du bailleur lui-même, de son conjoint ou de son partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire, notamment s’il s’agit d’un adopté simple, solution qui avait déjà été retenue sous l’empire de la loi du 1er septembre 1948. En revanche, demeurent exclus de la liste des bénéficiaires l’ascendant du conjoint du bailleur ou encore ses neveux et nièces.

Par ailleurs, la Cour de cassation a considéré que, dès lors que l’une des deux personnes désignées dans le congé comme devant habiter le logement loué, remplit les conditions prévues par l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989, le congé doit être validé à son seul bénéfice, peu importe que le second bénéficiaire désigné ne puisse bénéficier de la reprise en raison de sa minorité.

b. Les bénéficiaires personnes morales

La loi du 6 juillet 1989 va plus loin que celle du 22 juin 1982 en ce qu’elle ne limite plus la reprise au seul bailleur personne physique. Si le bailleur personne morale demeure exclu du bénéfice de la reprise en raison de son impossibilité à occuper personnellement le logement, en revanche le droit de reprise est accordé aux Sociétés civiles constituées exclusivement entre parents et alliés jusqu’au 4e degré inclus, à l’exclusion des sociétés civiles constituées entre concubins ou entre partenaires pacsés, mais à condition que le nombre et l’identité des associés actuels permettent de démontrer que les associés qui composent la société bailleresse sont tous parents ou alliés jusqu’au 4e degré, l’information délivrée en cours de procédure étant inopérant, le locataire n’étant pas en mesure de vérifier la régularité et la sincérité du congé. Dans cette logique et étendant la liste des bénéficiaires, une cour d’appel a admis qu’une reprise pour habiter peut être exercée au profit du nu-propriétaire des parts sociales de la société civile de famille.

En revanche, la question a été posée de savoir de quelle manière pouvait s’articuler les dispositions de l’article 15 avec celles de l’article 13 autorisant une SCI familiale à invoquer les prescriptions de l’article 15 au profit de l’un de ses associés. Plus précisément, les proches de l’associé de la SCI familiale peuvent-ils être traités de la même manière que les proches du bailleur ?. La Cour de cassation, le 19 janvier 2005, a strictement interprété les dispositions de l’article 15 en énonçant qu’une société civile de famille ne peut donner congé aux fins de reprise pour habiter qu’au profit de l’un de ses associés, excluant dès lors le fils d’une des associés de la catégorie des bénéficiaires. En revanche, lorsque le bailleur est une société civile immobilière constituée entre deux associés, une femme et son neveu, le congé pour reprise au profit du neveu est valable en vertu de l’article 15-I de la loi du 6 juillet 1989 et de l’article 13 de la loi du 6 juillet 1989, la reprise devant être faite au profit de l’un des associés d’une société constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au 4e degré inclus.

La même difficulté apparaît lorsque les droits d’un associé se trouvent répartis entre ses héritiers qui deviennent propriétaires indivis de droits sociaux. Cette hypothèse se distingue de la précédente en ce que ces nouveaux associés ne l’ont pas été dès la création de la société. Dans le cadre d’une interprétation stricte du texte et à l’aune de l’énumération restrictive des bénéficiaires, aucune raison ne justifie que ceux-ci soient écartés du bénéfice de la reprise, à l’exception de l’hypothèse d’une cession fictive de parts sociales, lorsque celle-ci intervient par exemple deux mois avant le congé.

En revanche, une société civile composée d’un associé unique qui a racheté la totalité des parts des autres associés avec lesquels il n’avait aucun lien de famille ne constitue pas une société civile de famille entrant dans le cadre de l’article 13 de la loi de 1989, dès lors exclue du bénéfice de l’article 15-I.

c. Le bénéficiaire indivisaire

La reprise peut être exercée par l’indivisaire lui-même, mais aussi au profit l’ensemble de ses ayants droit, à savoir son conjoint, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants et ceux de son conjoint ou concubin notoire.

d. Le décès du bénéficiaire

Le décès du bénéficiaire n’est pas sans effet sur le mécanisme de la reprise pour habiter. En effet, si le décès du bénéficiaire intervient alors même que le délai de préavis du congé est écoulé, ce dernier faisant survenir le terme entraine ipso facto la déchéance de plein droit du preneur de tout titre d’occupation et le bailleur retrouve la maîtrise de son bien. Si en revanche le décès du bénéficiaire intervient alors même que le délai de préavis n’est pas écoulé, les héritiers du bailleur ou ceux du bénéficiaire bénéficient du maintien du mécanisme de la reprise à la condition que ceux-ci fassent connaître au locataire son intention d’habiter lui-même les lieux. A défaut, le locataire est maintenu dans les lieux.


III. Le contrôle du juge

Le rôle du juge est déterminant dans le cadre de la contestation d’un congé pour habiter. Celui-ci, comme souvent en matière de baux d’habitation, doit concilier des intérêts contradictoires, ceux du bailleur et ceux du locataire, en articulant de manière équilibrée le droit de propriété et le droit au logement.

C’est dans cette perspective que l’intervention du juge doit être examinée sous deux angles, le premier faisant prévaloir le droit du propriétaire de disposer de son bien, le second favorisant l’effectivité du droit au logement.

A. Le contrôle a priori

Le principe posé est clair : la validité d’un congé pour reprise, délivré en application de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989, n’est subordonné à aucun contrôle préalable, n’est pas supposé frauduleux et l’intention frauduleuse ne peut être déduite de l’existence de litiges antérieurs entre les parties ou du fait que le congé ait été délivré après la demande du locataire de mise aux normes d’habitabilité du logement. C’est donc au locataire à qui ce congé est adressé de rapporter la preuve de congé frauduleux et non au bailleur d’exposer les raisons de la reprise ni de justifier d’un besoin du logement du bénéficiaire. Par conséquent, le juge saisi d’une contestation ne dispose d’aucun moyen de contrôler la réalité du motif tant que le congé n’a pas produit ses effets. Par ailleurs, si l’article 15-I de la loi du 6 juillet 1989 ne permet pas le contrôle a priori ou en opportunité du congé aux fins de reprise, il n’en demeure pas moins qu’en cas de contestation, la juridiction saisie a le pouvoir de vérifier si le congé revêt un caractère frauduleux, ne serait-ce qu’au regard du principe général de l’exécution de bonne foi des conventions.

Pour autant, si le locataire conteste au cours de l’écoulement du préavis les circonstances de la reprise susceptibles de révéler une fraude à la loi, le juge demeure compétent pour vérifier le caractère frauduleux du congé donné par le bailleur alors même que le congé n’a pas encore produit ses effets. Dans une première décision du 26 octobre 2004, la Cour de cassation casse un arrêt de la Cour d’appel de Pau qui avait considéré un congé valable car il n’appartient pas au juge d’exercer a priori le contrôle de l’occupation réelle et effective des lieux par le repreneur. Or, selon elle, si les preneurs invoquent l’existence d’une fraude au moment de la délivrance du congé, les juges ont l’obligation de répondre aux conclusions, exerçant dès lors un contrôle sur les motifs. Dans une deuxième décision du 1er février 2005, la Cour de cassation reproche à une cour d’appel d’avoir simplement affirmé ce principe sans avoir motivé sa décision. En l’espèce, le bailleur avait fait délivrer un congé à fins de reprise au bénéfice de sa fille après qu’il ait assigné ses locataires pour obtenir, en référé, la désignation d’un expert pour déterminer les travaux lui incombant et apprécier leurs préjudices, et après avoir, lui-même, délivré aux locataires un commandement de produire une attestation d’assurance et de payer un arriéré de loyer, visant la clause résolutoire. Ce contrôle a priori effectué par le juge ne doit donc pas se confondre avec l’absence de motivation de la reprise autre que l’intention de reprendre le logement pour y habiter.

2. Le contrôle a posteriori

Si aucun contrôle a priori n’est requis, à l’exception de celui intervenant en cas de contestation avant l’écoulement du préavis, un contrôle a posteriori demeure toujours possible pour sanctionner, le cas échéant, une fraude réalisée par le bailleur. D’ailleurs, des juges du fond ont eu l’occasion de rappeler que si le congé pour reprise pour habiter a été validé par un premier jugement statuant dans le cas d’un contrôle a priori, ce jugement étant dépourvu d’autorité de chose jugée en matière de contrôle a posteriori du congé, la nouvelle action introduite par le locataire en nullité du congé ne peut être déclarée irrecevable. Sous l’empire de la loi du 22 juin 1982, le contrôle était assez simple, celui-ci se cantonnait à l’occupation effective des locaux au cours des six mois suivant le départ du locataire. En l’absence de tels délais dans la loi du 6 juillet 1989, le juge a l’obligation de caractériser la fraude qui se limite à l’absence, au moment du congé, de l’intention sérieuse d’habiter le logement loué, et non à celle du départ effectif du locataire des lieux loués, ni à celle d’une autorisation d’expulsion.

En l’absence de tout délai, le bénéficiaire de la reprise, qu’il soit bailleur ou non, a donc l’obligation d’occuper le local duquel le locataire est évincé dès le départ de celui-ci, et même si le bénéficiaire du droit de reprise est propriétaire d’autres appartements dans le même immeuble, ceux-ci pouvant légitimement choisir parmi ces appartements celui lui convient le mieux. Ce principe se justifie par l’article 15-I de la loi qui autorise le congé que par la décision de reprendre pour le bailleur. Par conséquent, seules de fortes raisons pourraient justifier l’inoccupation du local.

Dans un premier temps, les juridictions du fond ont considéré que le bailleur devait démontrer, pour s’exonérer de la responsabilité qui pèse sur lui, que cette faute contractuelle étaient imputable à un événement présentant les caractères de la force majeure. Aussi, l’état de santé de l’épouse du bailleur ne constitue pas un cas de force majeure dès que le déménagement n’était pas impossible, ni des raisons purement fiscales et financières qui ne sont que de pure convenance personnelle. Dans un deuxième temps, la Cour de cassation semble adopter une position plus souple en admettant qu’une simple cause légitime suffise pour justifier ne pas habiter dans les lieux. Cette solution a été confirmée par la Cour de cassation et certaines juridictions du fond. Dès lors, l’existence d’une cause légitime autorise une inoccupation ou une occupation postérieure au départ. Pour autant, de nombreuses juridictions du fond ont accepté que le bailleur ne s’exonère de sa responsabilité que si celui-ci justifiait d’un cas de force majeure. Dans un troisième temps, la Cour de cassation semble s’être ravisée et par un arrêt du 12 octobre 2004, elle a confirmé un arrêt qui a fait peser sur le bailleur la charge d’établir « qu’il s’était heurté à des circonstances imprévisibles et imparables » l’empêchant d’habiter le logement repris et qu’il n’avait pas démontré son intention loyale et sincère de le faire. Néanmoins, la Cour de cassation a retenu quelques mois plus tard une cause extérieure au bailleur pour justifier l’inoccupation des lieux.

Si les motifs doivent fonder le congé pour reprise, leur disparition ne remet pas nécessaire en cause la validité du congé dès l’instant où les bailleurs bénéficient et rapportent la preuve de circonstances imprévisible et imparables ainsi que leur intention loyale et sincère de ne pas habiter le logement repris. Ainsi, le congé n’est pas frauduleux dès lord qu’au jour de sa délivrance, le bailleur avait pour intention de reprendre le logement pour sa fille et son fiancé. Néanmoins, la rupture des fiançailles après le départ volontairement anticipé du locataire justifie la non-occupation des lieux et la relation.

Deux types de comportements sont susceptibles de caractériser une fraude.

Le premier est lié aux diligences accomplies par le bailleur qui redonne à bail le logement ou encore lorsqu’il le met en vente peu de temps après le départ du locataire. La preuve de la fraude est dans ce cas aisée sous réserve de circonstances à justifier la relocation. Par exemple, la preuve d’un congé frauduleux n’a pas été rapportée dès l’instant où la bailleresse, ayant reloué le local au bout de cinq mois, explique que son concubin, étant parti, elle n’arrivait plus à assumer les charges de copropriété et, en dépression, elle était partie vivre chez des amis. Par ailleurs, le délai de 21 mois entre la libération des lieux et la reprise effective n’a pas permis de considérer le congé comme frauduleux dès lors que le logement, en très mauvais état, nécessitait la réalisation de nombreux travaux effectués par le bailleur lui-même pendant se

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